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June East

Chambre 17

SubstitutionS

Imagine un boucher armé de son couteau le plus tranchant qui débite avec hargne une pièce de viande massive. Et bien ce boucher s’appelle Elisa Hell, dans toute sa furie, devant la carcasse fumante de son agent fourbe qu’elle vient de foudroyer.

Isaac avait une bouteille de champagne posée devant lui dans le salon où il attendait d’être rejoint. On aurait pu croire que celle-ci devait fêter le contrat pour incarner Mae West. Et bien que nenni ! Tout ce mystère pour annoncer quoi ? Une banale finalisation d’accord de diffusion. « Tu devrais être aux anges pourtant : ton premier vrai rôle dans un film sur Netflix ! Ceux qui n’ont pas pu voir Les Révoltés De Bois en salle le découvriront chez eux dès le premier juillet ». On reconnait le talent d’une actrice à sa capacité à maintenir une poker face, à cacher au mieux ses émotions même quand son sang est en ébullition. Impossible de partir en vrille dans le salon : la patronne à la réception n’aurait pas apprécié un esclandre dans son paisible établissement. Et pour ce qui est de se donner en spectacle devant les clients, non merci. En même temps, la gamine de l’auberge et cette femme s’amusaient trop à commenter à haute voix des photos de crottes de renard sur un smartphone pour prêter attention à une main rageuse qui s’incrusterait avec perte et fracas sur la joue de ce gougnafier. Respirer. Prendre sur soi. Isaac a eu le droit à la soupe à la grimace jusqu’à son départ.

Les Révoltés De Bois raconte l’histoire d’un marionnettiste dont les créatures se rebellent. De bonnes critiques mais peu d’entrées. Il aura quand même permis à un Casting Director d’Hollywood de remarquer une nouvelle tête dans ce second rôle de bergère faite de chêne. Elle, qui souhaitait quitter le théâtre pour s’en aller cultiver ses tomates au soleil, finira rabotée en copeaux de bois mélangés à ceux de tous les autres pantins pendant le générique de fin. Pas un mauvais film, juste ce qu’on appelle un succès d’estime. Et peut-être un ticket pour Hollywood. Il reste un espoir. Allez, Elisa, on y croit.

Croûte aux champignons, burger comtois, mousse au chocolat : le festin du soir a fait office de cataplasme. Plaisir de substitution ou manger pour étouffer sa déception. Les convives dans le restaurant devaient jaser de voir pareille gloutonnerie. La Sylvie Testud enturbannée jugeait-elle ou avait-elle pitié ? Aucune importance, la préoccupation du moment n’était pas là.


Réfugiée dans la chambre à parcourir la liste des films de l’application sur l’iPad, le pitch de « Rupture ; dernière nuit d’un couple » titille la curiosité plus que les autres. « Drame en huis clos où l’on suit la dernière nuit de deux protagonistes qui se déchirent », avec Jean Dujardin et Cécile de France. Tout un programme. Eric Javot est un talentueux réalisateur. Ne voulait-il pas monter une version longue de ce film d’ailleurs ?

Deux heures trente plus tard (ou quatre heures plus tard en ressenti). Très bon film, avec une excellente direction d’acteurs, une belle photographie et tourné intégralement en un magistral plan séquence. Du grand art, hormis ces effroyables longueurs.


Était-ce passer la soirée avec Jean ? Était-ce Cécile ? L’objet mutin resté jusqu’à présent dans la valise a insisté pour trouver son chemin sous les draps. Tirer les rideaux et se faire du bien.

Après une si bonne nuit, il y en a une qui est repartie du bon pied.

“Good sex is like good bridge. If you don’t have a good partner, you’d better have a good hand”. Mae.

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