Il m’a fallu quelques minutes pour analyser les conséquences de ce que le médecin vient de m’annoncer. Il ne me reste que six mois à vivre !
J’ai alors pris la décision la plus importante de ma vie, et je lui ai dit : “Tu ne dis RIEN à personne. Tu es tenu au secret professionnel. LE PLUS STRICT. Tu ne dis rien à ma femme, ni à la tienne d’ailleurs, ni à mes enfants, ni au maire. À PERSONNE. Tu scannes la feuille de résultats dans mon dossier et tu détruis l’original. Donne-moi mon ordonnance pour les anti-douleurs.”
Je suis rentré chez moi, j’ai embrassé ma femme Sylvie et je lui ai expliqué que le médecin m’avait trouvé fatigué et me conseillait un repos forcé avec des médicaments pour mon mal de ventre.
Puis je me suis réfugié dans mon antre.
Le choc de l’annonce a été terrible. Je fonds en larmes.
J’aime plus que tout Sylvie. J’aime mes enfants. J’aime même mes beaux-fils et belles-filles, c’est dire. J’aime encore plus mes petits-enfants.
Je suis un eudémoniste convaincu. Le bonheur est au cœur de mon existence. Mais comment annoncer aux gens qui m’aiment ma mort prochaine ? J’ai décidé cela en quelques secondes, dans le cabinet médical : rien ne viendra perturber le bonheur des personnes que j’aime, au moins pendant les six prochains mois. Ma mort sera brutale, nette et précise. Disons en une semaine. Oui, c’est ça une semaine pour mourir, c’est bien.
Le bonheur de mes proches, à tout prix.
Je sèche mes larmes. Je réserve sur internet un séjour dans une auberge perdue dans la pampa.
J’annonce à Sylvie ma décision de m’isoler trois semaines pour me reposer.
1 Commentaire de Franck -
Comment ?
PS: question à double sens, je sais !
2 Commentaire de Vincent-Mem -
Désolé, Franck, mais je n’ai compris aucun des deux sens. Pourriez-vous préciser la question ?
3 Commentaire de TarValanion -
Un choix bien rude. Et lourd à porter. (Je ne sais pas ce que je ferais, personnellement.)
4 Commentaire de Kozlika -
J’espère qu’il va rencontrer quelqu’un à qui parler.
5 Commentaire de Avril -
Le genre de texte qui nous renvoie à nos propres questionnements. Se demander ce que l’on ferait à sa place. Impossible de savoir. Seule l’expérience le permettrait. Une expérience dont on se passe volontiers.
J’espère pour Vincent un heureux dénouement et sinon tout le bonheur possible sur ce dernier chemin. Cœur sur lui.
6 Commentaire de Philippe -
Moi, j’espère surtout que le docteur s’est trompé…
7 Commentaire de Sacrip'Anne -
D’expérience, les décès des gens qu’on aime restent également douloureux, qu’on ait “eu le temps de s’y préparer” ou qu’ils surgissent par surprise… alors peut-être que Vincent Mem est dans une forme de sagesse. Mais pourquoi ne pas profiter de ce temps avec ceux qu’il veut préserver ?!! Tada, vous le saurez (peut-être) dans un prochain épisode !
8 Commentaire de Garfieldd -
Ah je sens que je ne vais pas aimer du-tout-du-tout-du-tout-du-tout cette histoire :(
(Façon de parler bien sûr…)
Dans mes mondes intérieurs à moi, les gens ne meurent jamais. Même si en vrai, ça marche pas comme ça…
9 Commentaire de yves -
Il me semble qu’à sa place, je serais soulagé ?
Savoir, enfin !
10 Commentaire de GG -
Oui le décès est douloureux, en s’y préparant ou par surprise. Mais je craindrais la réaction des gens que j’aime, qui m’aime, avec qui je partage ma/leur confiance, s’ils apprennent après que je leur ai caché quelque chose d’aussi important… surtout pour le conjoint “pour le meilleur et pour le pire”. Mais bien sûr chacun fait comme il l’entend ; il n’y a jamais de bonne réponse puisque ce ne sont pas de bonnes questions.
Je pense que Vincent trouvera certainement pour parler, s’épancher, dans cette auberge où (presque) chacun vient se réfugier pour être tranquille et où au final tout le monde papote, philosophe et plus si affinité :-)
11 Commentaire de Franck -
Vincent, le premier sens indique l’étonnement de lire de tels mots ici, quant au second, beaucoup plus cynique je l’admets, concerne le moyen ou le projet.
12 Commentaire de Claire Obscurs -
Je me demande comment il envisage de le dire à sa famille après 3 semaines d’absence.
13 Commentaire de FantomeDuPogo -
Il m’est impossible de me préparer à la disparition des gens que j’aime. Le plus troublant, c’est ce sursaut qu’on observe parfois les quelques jours avant la fin, qui donne l’illusion d’une rémission.
Merci pour ce nouveau mot dans mon vocabulaire,
. Avec le temps qui passe il faudrait que je le fasse mien.