Comme le wifi n’irrigue pas encore la chambre où j’ai posé mes valises lundi soir, j’opte pour la bonne vieille méthode du carnet Moleskine et du stylo bille et reprends le fil des pensées qui m’ont tenu compagnie pendant les cinq heures de route entre Paris et Perpète-lès-Olivettes, ou Pollox pour être plus précis.
Je regarde danser le fer à cheval en cuir censé porter bonheur à la conductrice de la vieille BM qui m’emmène au trou du cul du Jura et je repense au fou rire qui nous a secoués la semaine dernière.
— 400 balles le porte-clés ! avait hurlé Raymond, le client du lundi qui ne vient au bar que le lundi, quand Sylviane, ma patronne, avait craché le prix du grigri.
— C’est pas un porte-clés, c’est un accessoire de sac en veau Hermès, avait-elle répliqué. Et puis, je fais ce que je veux avec TON argent, non ?
Ça avait cloué le bec de Raymond. Et Sylviane et moi on avait ri, qu’est-ce qu’on avait ri, à s’en tenir les côtes. Raymond avait quand même fini hilare. C’est vrai quoi, avec tout ce qu’il boit chez nous, Sylviane aurait même pu s’acheter une nouvelle voiture que ça ne le regardait pas.
Au Fer à Cheval – le troquet à Bonne-Nouvelle, Paris, où j’ai échoué en 2009 et dont le nom fait référence au comptoir en zinc, en forme de fer à cheval qui agglomère la clientèle d’habitués, les congés annuels commencent à la mi-juin. Alors que dans le quartier les concurrents baissent tous le rideau au mois d’août, ma toquée de patronne aime être à contre-courant pour accueillir nos clients au cœur de l’été. Sylviane a un sacré grain mais je l’aime bien. Et c’est réciproque. On dit toujours que l’amitié ce ne sont que des preuves et pas du blabla. Elle me l’a prouvé un paquet de fois et pas plus tard qu’hier quand elle m’a filé les clés de sa vieille BM pour mon escapade dans le Jura.
— Louer une voiture cinq semaines ? avait-elle tonné, les yeux ronds comme des soucoupes, quand on avait évoqué mes vacances un mois plus tôt. T’es pas net, hein. Ça va te coûter un bras. Prends la mienne, elle est trop rayée pour qu’on daigne la bugner. Et puis je ne bouge pas de Paris. J’en ai pas besoin, prends-la.
Son offre ne souffrant aucune discussion, j’ai accepté de bon cœur. L’argent que j’avais prévu de mettre dans la location ira dans les bistrots de Pollox et des environs. Quel drôle de nom pour un village quand même. Deux kilomètres et trois cents mètres. C’est la distance qui sépare le village de ma chambre d’hôtel. Je ne potasse généralement pas sur les lieux où je me rends en vacances mais ces deux kilomètres et trois cents mètres figurant sur la brochure que m’avait envoyée Jeanne Lalochère, la directrice de l’auberge, sont une donnée importante, que dis-je, vitale. Ça représente trois minutes en voiture à l’aller et vingt-cinq minutes à pied pour le retour pour les fois où j’aurai trop levé le coude. Comme ça, je fais « d’une bière deux coups », j’évite les PV et j’empêche les sapins du Jura d’abîmer la vieille BM de Sylviane.
1 Commentaire de Gilsoub -
2 km et 300 m ! oups c’est loin ! mais ça c’est à l’aller, pour le retour ça fait combien ?
2 Commentaire de Pep -
@Gilsoub > Ça dépend vraiment du nombre de grammes, pas facile à évaluer ça ! ^^
À la louche… Une petite dizaine ?
(Je parle là des kilomètres, …)
3 Commentaire de Avril (June East) -
C’est vrai qu’avec l’argent d’autrui, 400€ pour un accessoire de maroquinerie n’est pas si exorbitant au fond. Théorie de la relativité version Shopping.
4 Commentaire de Sacrip'Anne -
Donc au moins il y a des bistrots dans les environs. Nos résidents sont sauvés !
5 Commentaire de Laurent -
Encore un qui n’aurait pas dit non à un bar au sein de l’auberge :p
6 Commentaire de TarValanion -
C’est vrai que 400€ pour un porte-clefs en cuir, c’est quand même un peu cher. Ou alors c’est un porte-clefs en pur shell cordovan et il est format A2. Ce qui ne serait pas très pratique.
7 Commentaire de Paul Dindon -
Comme elle dit à Raymond, elle fait ce qu’elle veut avec son argent. En l’occurrence, ça n’est pas un porte-clés mais un accessoire de sac (en veau Swift). La patronne de Paul Dindon, toute patronne de troquet qu’elle est, est non seulement un peu toquée mais elle aime le tape-à-l’oeil.
—-> https://www.hermes.com/fr/fr/produc…_BwE&gclsrc=aw.ds
8 Commentaire de Gilsoub -
@PEP : C’est bien ce que je craignais ! ;-)
9 Commentaire de Paul Dindon -
@PEP @Gilsoub C’est vrai que ça dépend s’il prend la route dans le bon sens ou ne se perd pas en forêt. Remarquez, y a aussi les vélos que prêtent l’Auberge !
10 Commentaire de TarValanion -
Ah mais ça existe vraiment, en plus !! 400€ pour ça…
11 Commentaire de Gilsoub -
@Paul Dindon : Alors le vélo à l’aller pas de problème (quoique, ça monte ou ça descend ?) mais au retour…
12 Commentaire de Paul Dindon -
@Gilsoub Ah oui, je suis nouille, c’est la montagne o_O Remarque, ça peut créer quelques situations cocasses, le Parisien qui affronte les petites routes du Haut-Jura.
13 Commentaire de Otir -
Un Paul Dindon avec une si jolie calligraphie et qui cite les Shadoks !! merci !!
14 Commentaire de Otir -
Sinon, je trouve que certains commentateurs confondraient les blogs à l’ancienne et leur fil Twitter ; mon lecteur de flux ne permettant pas la mise en conversation, c’est vraiment difficile à suivre… où c’est qu’on se plaint ?
15 Commentaire de AkaïAki -
@Otir>Je plussoie
Je l’aime bien ce Paul. J’entends sa gouaille parisienne et j’ai de nouveau 15 ans, assise Chez Casimir, le café à côté de mon collège, devant mon Ricqlès :-)
16 Commentaire de Kozlika -
@Otir, vous pouvez répéter la question ? Je ne comprends pas ce que tu souhaites.
17 Commentaire de Otir -
Kozlika : en vérité, je me plaignais plus que je ne réclamais quoi que ce soit ! Je me plaignais d’avoir à remonter le fil des réponses avec des @ pour arriver à suivre séquentiellement la conversation. Et je n’arrive pas à rattraper mon retard de lecture à temps !
Mais je ne veux pas en perdre une miette, cette auberge et ses blogueurs sont épatants !
18 Commentaire de Pep -
Oui, eh bien, madame Otir, dans les commentaires des blogs à l’ancienne, c’était souvent ce genre de bordel, je vous rappelle, nanmého ! ^^
19 Commentaire de Paul Dindon -
@Otir Je ne me lasse pas de l’esprit loufoque et étonnamment métaphysique des Shadocks.
@AkaïAki Paul Dindon n’a pas servi de Ricqlès depuis belle lurette.
Pour vous, je m’appliquerai :)
20 Commentaire de Otir -
Pep, je serais prête à concéder que les blogues à l’ancienne pouvaient parfois devenir des foires épiques, mais l’escargot pour signifier que l’on s’adresse à quelqu’un ne permet pas ici de cliquer comme cela se produit dans Twitter pour remonter à la source ou à la cible, et j’avoue : ça me trouble !
Mais je m’égare, et je crois qu’il me reste encore plusieurs clients de notre sympathique auberge à découvrir !
21 Commentaire de Otir -
Paul Dindon, j’ai été nourrie aux Shadoks et aux Gibis ! les voir ressurgir ici m’émeut au plus haut point !
22 Commentaire de Malia -
Quel texte !
Beau : “T’es pas net, hein. Ça va te coûter un bras. Prends la mienne, elle est trop rayée pour qu’on daigne la bigner. Et puis je ne bouge pas de Paris. J’en ai pas besoin, prends-la.”
23 Commentaire de Paul Dindon -
@ Malia merci :) les dialogues sont une denrée compliquée à cuisiner