Informations sur l’accessibilité du site

Anna Fox

Chambre 12

Prologue : La vie faisait un doux bruit d'ailes

Je suis Anna Fox. C’est Hoshi qui m’a appelée comme ça un jour. Nous étions encore gamins, nous marchions en travers du petit bois, lui devant comme toujours, moi derrière à le regarder, il s’est retourné, j’ai buté sur ses talons. Il m’a regardé intensément de ses yeux fendus d’aigue-marine et il m’a dit : Tu es aussi effarouchée qu’un écureuil, ton nez frétille comme le museau du renard, tes cheveux flamboient, je vais t’appeler Anna Fox. Anna Fox, écoute comme ce nom sonne assuré et joyeux, il cavale sur les traces animales, il a du panache. Bien sûr j’ai dit oui, trop contente. Plus tard, il m’a fait lire l’histoire de la Femme transformée en renarde. Lady to Fox, j’ai adoré, je me voyais bien courir les bois dans ma robe de feu, répétant des séries d’acrobatiques mulotages, mes dents aiguisées en embuscade.

Mon vrai nom pesait sur mes épaules à m’étouffer, trop compliqué, personne ne le comprenait, personne ne savait l’écrire, il fallait souvent l’expliquer et les explications là-dessus je n’aimais pas. Pas du tout. C’était un nom composé qui me coupait en deux, une origine d’un côté, une autre de l’autre côté. Et mon prénom tout pareil. Des appartenances ennemies et moi au milieu, toute écartelée. Alors Anna Fox, je me sentais enfin rassemblée, Anna Fox c’était comme une promesse de légèreté qui m’enveloppait, un élan donné à ma vie.

Hoshi je l’aurais suivi en plein bois, au bout du monde. Il n’avait pas besoin de boussole, tous les chemins se blottissaient au fond de sa poche, il aurait pu nous emporter n’importe où. Hoshi savait comment sont les animaux et il vibrait avec eux, très délicatement pour ne pas les gêner. Il sifflait comme un merle tendre. Je voyais bien que les oiseaux l’écoutaient. Il était si content quand l’éclair bleu d’un geai filait au-dessus de nous. Il connaissait une clairière secrète au creux du grand bois et un soir, tout doucement, assis en bordure des fourrés environnés de grandes herbes poilues, nous avons attendu. Il savait que les garennes allaient sortir d’un coup des terriers et musarder, se nettoyant le museau, secouant les oreilles, bondissant comme des cabris, dévoilant la flamme blanche de leur queue retroussée. Que je serais aussi émue que lui. Je crois que Hoshi pouvait les comprendre. Comme il pouvait comprendre cette gamine que j’étais, à laquelle on reprochait si souvent de ne pas parler.

Comment oublier ? Alors, je suis Anna Fox et j’aime tous les animaux, même si je ne sais pas leur parler tout à fait aussi bien que ne le faisait Hoshi. Mais je les regarde. Et je les écoute. Avec tant d’attention, tant d’espérance. Et moi, les animaux, je les vois dans mes rêves.

Haut de page