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Jacky Janssens

Chambre 3

Ça y est, c'est le grand jour

Demain commence la convention Cosplay à Montreux. J’ai réussi à finir un costume juste hier en faisant tourner la machine toute la journée. J’ai bien vaguement entendu parler d’une histoire d’anniversaire ce jeudi, mais j’étais tellement dans mes tissus que j’ai complètement oublié. C’est leur première convention, je me demande ce que ça va pouvoir donner. N’empêche, si je veux réussir à installer Priscilla correctement, il faut que j’arrive avant tout le monde, surtout avant les autres participants, donc la veille, aujourd’hui. Et pour commencer, réussir à sortir Priscilla du parking. Quoique non, j’ai encore un détail à régler avant.

Hier, une jolie jeune femme m’a accosté comme ça. Un peu …. non, complètement surpris les bras chargés de tissus, il m’a fallut du temps pour comprendre qu’elle me demandait un fer, non pas un fer de golf, mais bien un fer à repasser - pourquoi est-ce que j’ai d’abord pensé au golf d’ailleurs ? je n’y connais rien. J’ai pourtant bien compris son histoire de crêpe de soie, plutôt fragile d’ailleurs ce tissu. Cette jeune femme ne doit pas avoir l’habitude d’en porter souvent pour ne pas avoir pensé à prendre un fer de voyage. Donc pattemouille en prime, d’ailleurs, qui sait encore s’en servir à part les lingères et les militaires ou leurs femmes.

Il va y avoir un autre problème, je l’ai bien aperçu plusieurs fois, dehors ou au restaurant, mais je ne connais pas son nom.

“Madame Lalochère ? Madame Lalochère, excusez- moi de vous importuner comme ça, mais ne m’attendez pas pour le dîner ce soir, ni demain et peut-être même après demain, je risque de rentrer tard, dans la nuit. Je vais laisser un peu de tissu dans la chambre (juste deux ou trois rouleaux, en réalité cinq bien encombrants) j’espère que ça ne dérangera personne. J’allais oublier, vous pourriez m’indiquer où je peux trouver la jeune femme, plutôt petite, au chignon châtain et grands yeux gris ? Ne me regardez pas comme ça enfin, ce n’est pas la première fois que vous me voyez en costume, non ? et mes coutures ne cèdent pas au moindre mouvement.

Enfin, grâce à cette charmante dame, j’ai pu apporter le fer à repasser à une certaine Hugo. Je ne sais pas si ce sont ses yeux d’un gris … ou son air joyeux, mais c’est à peine si j’ai pu lui dire bonjour en lui apportant tout l’attirail.


Bon c’est parti, on the road again, again … mais ça commence mal, il y a un gros pickup horrible garé derrière ma Priscilla. Elle ne va pas vouloir bouger. C’est qu’elle est sensible ma chérie.

“Madame Lalochère, C’est encore moi, je suis désolé de vous importuner encore une fois, mais savez-vous où je peux trouver Henri, Gaston, votre intendant ? Un gros quatr’quart [1] fait peur à ma Priscilla, elle ne veut même plus sortir du parking. Je ne vais pas aller à pied à Montreux et me séparer de ma Priscilla c’est impensable.”

Une heure plus tard, j’arrivais enfin à prendre la route avec Priscilla. Je me demande si monsieur Henri n’a pas posé une petite revanche suite à mon arrivée impromptue dans son jardin. Il faut aussi que je me décide à faire réparer la porte qui ne se verrouille plus.

Well, you can tell by the way I use my walk,
I’m a woman’s man : no time to talk.
Music loud and women warm, I’ve been kicked around
Since I was born.
And now it’s all right. It’s OK.

Ça doit bien faire une heure que je chante à tue-tête quand j’ai l’impression que Priscilla veut me dire quelque chose. D’accord, je ne roule pas vraiment en ligne droite quand je chante en conduisant, mais ça, Priscilla le sait déjà et n’en disait rien jusque là, même si on se connait pas encore très bien. Bon, je m’arrête à la première station service adapté au standing de ma Priscilla et j’en profite pour faire le plein.

“Ma chérie que veux-tu me dire ? Je sais que tu ne parles pas, mais là, je te sens bougonne.”

“Ahhh ! Qu’est-ce qu …” Et là sous mes yeux à me faire avoir une crise cardiaque, un diable surgit de ma malle à costumes et s’enfuit en courant. ” Mes … mes costumes !” Je sais que je vois des trucs bizarres de temps en temps, mais jamais en plein jour.
“Ahhhaaahh !” Le diable en personne juste derrière moi avec mon costume, trop grand en plus. “Mon costume ? Mais qui êtes-vous ? Qu … que faites ici et Priscilla ? que lui avez-vous fait ?”
“….”
“Mais enfin, qui êtes-vous ?”
“… “
Mais avant même que je réponde, l’inconnue s’est déjà sauvée en direction de la boutique de la station-service.
“Mon costume …” mais en voyant le jean qui traîne au milieu des autres costumes, je dois me rendre à l’évidence qu’elle risque de le garder longtemps. En attendant son retour je vais donner à boire à ma Priscilla, les autres automobilistes vont faire une drôle de tête en me voyant, mais j’ai l’habitude. Priscilla mérite qu’on porte un joli costume extravagant quand on la connait.
“Voilà, j’ai acheté plein de bonnes choses sucrées-salées pour faire la route.”
“Mais ? avec quel argent ? la route ? faut plutôt que je vous ramène, c’est un coup à finir en taule …”
“Il y avait quelques billets dans le tiroir et tu peux me tutoyer, la route bin oui, la route vers truc muche les bains. J’ai décidé que j’allais moi aussi participer, pi j’aime bien ce costume, il est juste un peu trop grand. De toute façon si tu me ramènes, je dirais à tout le monde que t’es pas un vrai mec, un vrai trans, oui !”
C’est malin, moi qui me cache en permanence, il faut que je tombe sur une inconnue qui me fait du chantage.
“Bon d’accord, mais il faudra que tu enlèves le costume pour que je fasse les retouches, sinon, c’est pas joli et tu dois me promettre de ne rien dire … à personne !”
“Chouette trop cool. Dis, j’aime bien quand tu chantes, t’aurais pas Born to be alive, j’adore cette chanson.”

Et c’est parti pour une convention qui commence très fort …

We were born to be, alive
We were born to be, alive

Born, born to be alive (born to be alive)
You see we’re born, born, born
Born to be alive …

Note

[1] Un mécano qui ne sait pas reconnaître un 4*4, nan mais ho !

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