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Henri Bonaventure

factotum

Casse pas la tête

Mon père, ce héros … Alors en fait non, mon père, ce grand inconnu, je ne l’ai jamais croisé de ma vie, en tout cas pas de toute celle dont je me souviens, mais c’est pas grave. On dira. Et même Casse pas la tête, vieille expression de son pays que ma génitrice — une pure parisienne née du côté des Halles, les vraies, pas celles de Rungis — lui avait piquée, utilisait pour tout et n’importe quoi.

Bref…

Alors j’suis pas charbon ni noir, p’tit clin d’œil à Paul Wamo en passant. Tout blanc, quasiment diaphane, faut dire que j’aime pas le soleil et que l’essentiel de mes siestes se passent à l’ombre des résineux de l’auberge.

J’ai l’impression que je pars un peu en vrac, hein cher enfant, alors qu’en fait, c’est juste pour dresser une facette du portrait de mézigue. Alors je vais arrêter avec mes divagations et te raconter par le menu comment, alors que j’avais dans l’idée de prendre des vacances bien méritées tout cet été, et l’automne à venir dans la foulée, après avoir bossébricolé[1] tout l’hiver, je me suis retrouvé factotum — la vérité vraie, je savais même pas ce que ça voulait dire ce mot, avant que la petite patronne m’explique ! — pour les trois mois à venir.

Faut dire que la dernière rencontre s’est drôlement passée avec elle…

Je t’explique !

Je revenais du village sur mon vélo, un vieux Peugeot que j’avais vaguement retapé, quand je l’avais trouvée sur bord de la route de Pollox, son Combi en vrac, ou quasi, avec des tas d’outils et de bordel étalés par terre, un cric soulevé de travers et un pneu parfaitement dégonflé !

Faut dire que le dit pneu semblait avoir l’âge du camion, un vénérable modèle T1 du début des années 70, c’est à dire environ 50 ans. Autant pour la carrosserie, si t’en prends un peu soin, ça peut le faire — même décoré avec des fleurs façon hippie comme celui-ci —, autant pour de la gomme, c’est largement que t’as dépassé la DLU !

Seulement voilà, avoir le cœur à l’ouvrage c’est bien, mais si t’as pas la façon, ça peut pas. Je lui ai donc proposé de m’en occuper, assorti d’un joli Casse pas la tête et vingt minutes plus tard, elle avait de nouveau un boudin gonflé autour de sa roue. Entretemps on avait bien évidemment causé de ci et de là, ce qu’on avait pas eu l’occasion de faire depuis quelques semaines et je lui ai appris que je connaissais l’auberge de Blanche depuis tout p’tit, ou presque. Elle m’a aussitôt répondu que si c’était possible ça l’arrangerait bien que je lui file un coup de main jusqu’à la fin de la saison…

Fin valab’[2] l’entretien d’embauche !

J’ai dit oui, pas fâché de me faire un peu d’oseille avant de me la couler douce pendant l’hiver — j’avais en tête d’aller aux antipodes faire un bout de brousse et chercher mes racines, enfin a minima celles du daron… Et puis au passage, passer d’homme à tout faire à factotum, c’est une belle promotion, ma mère aurait été fière, la pauvre ! J’me moque, mais je l’aimais bien ma daronne !

J’ai croisé en vitesse le futur veilleur de nuit, Lulu, quand j’arrivais à l’auberge ; on a échangé deux-trois mots et puis il est parti au village. Un brave type j’ai l’impression. Par contre, y’a aussi un gus bizarre qui a été embauché, pour s’occuper des chambres d’après ce que j’ai compris, avec un prénom que j’avais jamais entendu avant, d’ailleurs je ne m’en souviens déjà plus, c’est dire.

Ah, j’oubliais, le gars Gaston sera aussi de la partie, à sa façon ! Lui et moi c’est une vieille histoire — avec une véritable fruitière, du Macvin et un hérisson dedans[3] —, mais là c’est l’heure du gastro, donc je t’en causerai une autre fois.

J’ai aussitôt ré-installé mon hamac dans le petit bois derrière la plage, mon coin à sieste préféré ; si vous me cherchez, après le déjeuner, … alors en fait non, oubliez ;-)

Casse pas la tête et va manger…


PS: J’écris tout ça pour laisser une trace à mes descendants[4] ! Ni plus, ni moins.

Notes

[1] La bricole, c’est un art, si tu sais pas, tu peux pas comprendre ;-)

[2] Encore une expression à ma vieille !

[3] Oui je sais, c’est compliqué, mais faut pas tout mélanger !

[4] Note pour moi-même : penser à faire des descendants !

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