Dimanche, en fin d’après-midi, j’ai surpris Nicolas sur un canapé de la véranda. L’adolescent (12 ans, c’est l’adolescence ou pas encore ?) oscillait entre dépit et colère à cause de la wifi du wifi de la wi à cause de la connexion internet qui manquait de débit pour son jeu vidéo, Fortnite. Avec un T comme dans « Tu ferais bien de te mettre à la page sur les goûts des jeunes, Élisa ! ». J’ai dû lui faire un peu pitié de ne rien y connaître, car il s’est lancé dans un inventaire détaillé de son fonctionnement. Un passage en revue des missions, des armes, des voitures, et tout. Il y a même une histoire de bus qui vole. Soit, pourquoi pas, si cela peut stimuler l’imagination de la jeunesse. Au moins, ce jeu lui met de la passion dans la voix. Le plaisir qu’il prend à raconter tout cela est indéniable. J’avoue ne pas être certaine d’avoir capté l’utilité des skins, des emotes et autres gliders (?). À priori pas à grand-chose, si ce n’est avoir un look qui déchire sa race. Ce doit être comme un César pour une actrice. Il ne sert à rien, mais il met de la lumière dans la vie, et accessoirement rend les copines folles de jalousie. Il m’a fait ensuite l’honneur d’une projection en avant-première de sa dernière vidéo. Bon, il y a du boulot encore, mais il avait bien digéré les conseils que nous lui avions donnés. Au moins c’était regardable sans saigner des yeux et des oreilles. On y retrouvait sa personnalité, son identité. Il devait maintenant trouver un gimmick, quelque chose qui pourrait être une signature récurrente. Il était fier comme un coq quand je l’ai félicité. J’en ai été émue.
Quête « Approche de l’animal Ado » accomplie avec succès ! Bonus de quête « Skin de Mother Attitude » obtenue. Trop forte ! 💪
Rassurée de ne pas m’en être trop mal sortie toute seule tout de même. Comme une grande !
Éric ne cesse de me surprendre. Déjà au barbecue dominical, je l’ai entendu insister pour que ma tranche de poisson soit bien bien cuite. Le genre de détail qui avait complètement échappé à mon attention. Note à moi-même : demander à Google ce que j’ai le droit de manger et faire pendant les prochains mois. Il y a une notice quelque part ? On devrait être livrée avec les instructions à suivre. Un peu comme les fringues avec l’étiquette cousue pour les consignes de lavage. Suis-je bête, je n’aurais qu’à demander conseil à Jeanne. Ou à Maman. Mais pour elle, je préfère attendre d’être archisûre, quand j’aurai la confirmation de ma gynéco. Elle culpabilise tellement depuis des années avec mon refus de maternité que je ne veux pas lui faire de fausses joies.
Celle d’Éric n’est pas fausse, la chose est certaine. Il resplendit. Et cerise sur le gâteau, sa libido semble avoir reçu un shoot d’adrénaline ! Comme si elle en avait besoin… La moindre occasion devient prétexte aux ébats et à jouir de positions qui risqueront d’être périlleuses, voire impossibles, dans un futur proche.
Au loto de Pollox, nous étions à la même table que Julie et Jojoff. J’ai vu qu’elle avait regardé son tendre chevalier avec un air complice quand Éric a dit au serveur qui allait remplir mon verre « Non, pas de vin ! Pour Mademoiselle, une grande bouteille d’eau gazeuse s’il vous plait ». Je doute qu’elle m’ait prise pour une alcoolique repentie. Elle me semble beaucoup trop fine pour ne pas nous avoir démasqués. Peut-on d’ailleurs garder un tel secret face à une autre femme qui est passée par là ?
Éric a gagné une centrale vapeur ! Morte de rire ! Qu’allons-nous bien pouvoir foutre d’une centrale vapeur ? J’espère que je serai meilleure mère que patte de lapin.
Il était une fois, trois filles superbes qui avaient décidé de s’engager dans la police d’aller à la ferme ! Les rôles de Jill Monroe, Sabina Duncan et Kelly Garret dans ce remake français ont été tenus par Natou, Calliste Saunier et moi-même. Petit secret de tournage, Kelly Garrett a dû se ravaler la façade pour masquer sa mine nauséeuse. Vive le maquillage !
Le petit sourire en coin de Calliste m’a mis la puce à l’oreille quand par deux fois j’ai réclamé une pause-pipi dans les buissons. Pas merci les secousses sur les vélos ! Encore une qui n’avait pas été dupe et m’avait probablement percée à jour. Pourquoi ne rien leur dire ? Natou serait si heureuse pour moi. Je ne veux pas être comme ces femmes qui font de leur ventre le seul sujet de discussion et monopolisent les conversations. Je ne veux pas être de celles qui bassinent le monde entier avec les photos de leurs échographies, des premiers gazouillis et autres clichés. Et là, je me demande si génétiquement il est possible d’éviter cela. Ne sommes-nous pas toutes programmées pour étaler notre bonheur, quitte à exaspérer notre entourage ?
Sébastien nous a offert le grand tour du propriétaire. Impressionnant. Il ne fait aucun doute qu’il n’est pas seulement le « fils de… ». Il maîtrise, il assure. Les yeux de Natou brillaient à chaque fois que son petit prince se lançait dans une explication. Ils semblaient nous hurler « Vous avez vu, les coupines, il n’est pas que l’incarnation d’un Apollon, il en a aussi dans le ciboulot ! ».
Avec les odeurs de la ferme, les nausées ont redoublé. Je me suis retenue d’aller vomir dans une botte de foin une ou deux fois. Heureusement, nous avons échappé à la traite de vaches. Je ne suis pas certaine que j’aurais supporté. Et là, j’ai pensé à mes seins. Comment seront-ils dans quelques mois ? Et mon corps ? Angoisse.
Nous avons profité de ce que les deux tourterelles gazouillaient pour discuter un peu plus avec Calliste. Je l’avais croisée en juin, mais nous n’avions pas encore réellement fait connaissance. Elle m’a raconté sa rencontre à l’auberge avec Arthus, un peintre talentueux. Une femme amoureuse d’un artiste a toute mon admiration. Manifestement, cette auberge a été construite sur les ruines d’un temple à Cupidon ou alors ils mettent quelque chose dans les carafes d’eau qu’ils nous servent au restaurant. Il faudra que je dise à Éric que, contrairement à ce qu’il croit, nous ne sommes pas le premier couple de l’été. D’autres flèches ont été tirées avant la nôtre. L’histoire de Calliste vaut le détour, encore une qui aura vu sa vie bouleversée par son passage dans le Jura. Elle n’a plus le même regard inquiet qu’à l’époque. Elle est plus forte, plus belle, plus éclatante.
Natou nous a posé une question étrange sur la prise de décision. Elle n’a pas tout dit et je n’aime pas trop me prononcer dans le vague. J’ai botté en touche avec une réponse à la con dont j’ai le secret. Je reviendrai vers elle pour lui tirer les vers du nez, alors je pourrai réellement lui donner un conseil. Je lui annoncerai peut-être ensuite la Surprise du Chef Javot. Je l’entends déjà crier de joie.
Cette belle rencontre avec Calliste a bercé le reste de ma journée de lundi. C’est beau une femme amoureuse. Je serais curieuse de voir les nus qu’Arthus a faits d’elle. Ils ne peuvent qu’être magnifiques.
Les Anglais sont restés de leur côté de la Manche.
Nous avons célébré ce non-débarquement comme il se doit.
Arrêt du temps de l’afterglow. Sur les draps froissés, nous nous câlinions en cuillères, moi la petite, lui la grande. Son bras gauche encerclant ma taille, le droit ma poitrine, sa main sur mon sein qu’il caressait de son pouce. Il rompit le silence.
— Raconte-moi une histoire, s’il te plaît. J’ai envie de m’endormir au son de ta voix.
— C’est l’histoire d’un homme… qui un jour trouve une patte de lapin… et…
— … et ?, répondit-il amusé.
— Non… C’est l’histoire d’une petite poupée, toute jeune, toute innocente… qui a du mal à s’endormir le soir… parce que celui qui l’a fabriquée lui rend visite la nuit… et lui demande des choses qu’elle ne veut pas faire…
Au fur et à mesure du récit, les métaphores ont disparu. La petite poupée a laissé place à “je”. J’étais en confiance avec lui, je pouvais lui livrer mon passé, ma vérité. Je l’aime, je ne veux rien lui cacher. Son étreinte se faisait plus forte et tendre alors qu’il comprenait l’ampleur du drame traversé.
J’ai dit « Maintenant, tu sais. Je ne veux pas que ça change quoi que ce soit entre nous. On n’est même pas obligé d’en reparler. »
Il a dit « J’ai entendu. Je suis sincèrement désolé. Merci pour la confiance. Si tu veux en reparler, je suis là. »
J’ai dit « Je t’aime. »
Il a répondu « Idem. »[1]
Notes
[1] J’adore ce film © Henri Bonnaventure
1 Commentaire de Nicolas Marlet Deblois -
2 Commentaire de Sacrip'Anne -
Moi aussi j’adore ce film.
Pour les nichons c’est pas difficile, quand tu croiras que ça ne peut pas grossir plus, tu auras tort.
Radieuse June, belle à lire ❤️
3 Commentaire de Mel'O'Dye -
ah mais ça suffit les filles hein, d’abord Natou, ensuite toi … je vais plus avoir de kleenex moi si ça continue !!! (moi aussi j’adore ce film)
4 Commentaire de Paul Dindon -
Une centrale vapeur, pour quoi faire ? Mais voyons ! Pour repasser… les films de nos vacances à l’Auberge des Blogueurs :)
5 Commentaire de Avril -
Nicoteurice : :-*
Sacrip’Anne : ;’D June aura finalement la bonne poitrine pour jouer Mae West ! Dommage que… Charlize Motherf*cking Theron ;)
Mel’O’dye : On va passer une commande de mouchoirs chez un grossiste ! ;)
Paul Dindon : Je ne connais pas d’autre définition au mot repasser. ;)
6 Commentaire de Éric Javot (L'auteur) -
Je crois bien que l’idée de paternité va bien à Éric :-) et en plus il est chanceux ! Trés beau billet ! je pleure pas parce que je suis un homme, mais quand même ;-)
7 Commentaire de Mela -
Un texte émouvant et très agréable à lire. J’ai beaucoup aimé
8 Commentaire de Avril -
Javoteur : Touchée. ;)
Mela : Coulée. <3
:-*