Auberge des Blogueurs

Dimanche, je me suis réveillé tôt, très tôt, le jour se levait à peine.
La béatitude benoite du barbecue de la veille s’était dissipée. Mais il faut la garder en mémoire, même si c’est pour me rendre compte que, si j’en veux garder le souvenir, c’est que ce moment avait quelque chose d’extraordinaire, d’atypique ou presque d’anormal dans ma vie actuelle. Une forme de parenthèse hors du temps.
Il a pourtant raison ce cher Oscar : D’une joie même, le souvenir a son amertume, et le rappel d’un plaisir n’est jamais sans douleur. ^[1] Le réveil est parfois difficile.
J’ai mal dormi. Sur les murs de ma chambre des ombres angoissantes avaient dessiné des monstres menaçants sous la lumière fade la la lune… J’aurais dû tirer les rideaux pour respecter la nuit et me protéger des démons…
Les replis de ma vie et des pensées ont de nouveau tenté de m’envelopper, de m’enserrer… de me happer.
06:42… Pas d’autre solution que me lever.

Playlist Françoise Hardy dans les oreilles, je suis allé me promener dans le gris de l’aube.
J’ai aperçu Lucien qui faisait le tour de l’auberge. J’ai aperçu une silhouette, celle de la patronne, Jeanne (je suppose) qui s’affairait à préparer la salle pour le petit déjeuner. Sinon, le calme, le silence de la presque nuit simplement troublé par les cris discrets de oiseaux de nuit retrouvant leur abri pour la journée.

Arme-toi de patience
La souffrance
N’est jamais inutile
Elle élève en silence ^[2]

J’ai marché lentement dans l’herbe mouillée. J’ai marché un peu engourdi par le froid matinal, fasciné par la brume qui montait du lac, attiré par les bruits des animaux qui filaient, invisibles, dans le sous-bois. J’ai marché.

Vois la mer qui se calme
Le soleil dans les arbres
Sèche tes larmes
Sois vivant, reste vrai
Contre vents et marées ^[3]

J’ai encore 10 jours devant moi pour faire un choix…
… retrouver ma vie d’avant et mon envi-ron-ronnement habituel…

Le temps a passé et me revoilà
Cherchant en vain la maison que j’aimais
Où sont les pierres et où sont les roses
Toutes ces choses auxquelles je tenais?
(…) Et la maison, où est-elle, la maison où j’ai grandi ? ^[4]

… ou continuer ce jeu du parti-sans-laisser-d’adresse pendant quelques temps…

Je voudrais que rien n’efface
La magie, l’état de grâce
De nos paradis perdus
Les rêves, l’amour fou
La beauté surtout
De l’avenir devant nous…
Tous mes souvenirs me tuent… ^[5]

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Plus on se cache, plus il est désagréable d’être surpris. ^[6]
En rentrant de ma promenade, ma décision était prise. Je veux rester - encore un peu - maitre de ma vie et je n’ai pas envie d’être surpris…

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Je vais rentrer à l’auberge. Prendre le petit déjeuner (mon dieu ces viennoiseries, je ne m’en lasse pas… Burp !) et faire bonne figure aux plus matinaux des clients. C’est la meilleure attitude.
C’est la seule attitude…
Quand on a un café à la main, on ne demande rien d’autre que ça va ? bien dormi ? à quelqu’un de souriant…
Contrairement à une personne qui a l’air soucieux. Même les regards qu’on lui lance se transforment en interrogatoire muet…
Faut-il peindre ce qu’il y a sur un visage ? Ce qu’il y a dans un visage ? Ou ce qui se cache derrière un visage ? ^[7]
Je suis souriant. Même si je me force un peu beaucoup, je suis souriant. Je me cache derrière un visage souriant.
C’est pratique de pouvoir se cacher derrière quelque chose, derrière une grimace. ^[8] Ma grimace à moi ce sera un sourire.
Pour ne pas laisser deviner mes tourments. Mes peines. Mes déchirures.

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Date : 07 septembre 2020 à 09:12
De : r.acceteo56@gmail.com
A : Judith.Juries@Votre-Banque.fr
Objet : Accès à mes comptes bancaires

Bonjour madame,
En consultant mon compte en ligne (référence 283.195.24.26), j’ai constaté que quelqu’un d’autre que moi s’était connecté à mon espace personnel et avait consulté mes comptes. Aucune opération suspecte n’a été initiée et/ou validée.
A ma connaissance, seules une ou deux personnes de mon entourage proche sont susceptibles de connaître mes identifiant et mot de passe mais je préfère anticiper sur des problèmes éventuels.
Je vous serais donc reconnaissant de bien vouloir m’indiquer par retour de mail comment je peux réinitialiser ces informations et changer mon mot de passe.
Avec mes remerciements, M. Rémi Acceteo

Maintenant le compte Gmail…
Cliquer sur la pastille verte R en haut à droite. Informations personnelles. Onglet mot de passe. Saisir le mot de passe. Changer le mot de passe. Confirmer le nouveau mot de passe. Valider. Se déconnecter.
Se reconnecter. Saisir le nouveau mot de passe.
Ça fonctionne.

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J’ai repris le contrôle.
Je peux retourner me promener. Playlist Mozart dans les oreilles et mon recueil Haïkus du temps qui passe illustré par Hokusaï pour me tenir compagnie. Pour meubler mon silence et ma solitude.

Ce soir je gouterai le filet de perche en papillote, accompagné de riz, purée de tomate, oignons, crème et basilic…