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Julia Ricci

Chambre 11

retour à petits pas vers le Petit Peuple

Il a fallu que j’y retourne, il me tardait de les revoir, de les saluer et de leur transmettre les mots de leurs semblables du Pays Breton. Je suis donc partie, munie de pommes chapardées à la table du petit déjeuner que j’ai coupées en tranches et soigneusement disposées sur des assiettes, parsemées de noisettes épluchées et de fleurs de pissenlit cueillies autour de l’Auberge (oui j’ai fait un raid à la cuisine, -déserte à cette heure- trouvé des assiettes et un casse-noix, et mis le tout dans un des paniers à pique-nique, je suis une vilaine, je m’excuserai plus tard :D ), une fois mes assiettes prêtes et couvertes d’un papier pour ne pas trop souffrir du transport et supporter l’inévitable empilement, j’ai ajouté une bouteille d’eau de source et une de chouchenn ramenée de Ploumanac’h et des gobelets, de l’encens, un porte encens et une couverture, prise dans l’armoire de ma chambre.

Je suis partie vers la forêt en mileu de matinée, d’un bon pas malgré les courbatures. Avant d’entrer, j’ai marqué un arrêt et pris le temps de quelques inspirations/expirations. Centrée sur mon but et ma joie des les revoir, j’ai fait un pas, un petit frisson, une sensation fraiche et joyeuse de petit crachin, j’ai franchi la Porte de l’eau ! Quelques pas encore, je me demande laquelle viendra ensuite. Une résistance, une densité plus forte, un poids inhabituel sur mes épaules, ce n’est rien, marche, tu franchis la Porte de la terre. Marche toujours, l’air tremble, tu as chaud, tu es en sueur, passe la Porte du feu. Marche encore, d’un pas léger, tu es gaie, tu as envie de danser, de rire et de chanter, franchis la Porte de l’air. Enfin, vois cet arbre, vois ces bosquets, tu es comme eux, tu fais partie du même Univers, vois, et franchis la Porte de l’Ether. Et enfin ils sont là, plus nombreux que la dernière fois, même si je ne les vois pas tous. Je tends les mains pour les saluer, sens un frôlement subtil, deux de mes doigts se mettent à bouger sans mon aide, je crois pouvoir dire que je suis bienvenue. J’ouvre mon panier et dispose mes offrandes dans la clairière, les assiettes bien sûr, mais aussi des gobelets de toutes les tailles, du dé à coudre au verre à eau, remplis d’eau ou de chouchenn, j’allume ensuite un encens pour parfaire la fête et je m’assois au pied d’un arbre. Les yeux fermés et les membres détendus, je me concentre sur le message d’amitié de mes amis de Ploumanac’h ; le dialogue, silencieux et constitué principalement d’images mentales ou de flashs, est intense et assez éprouvant pour mon pauvre organisme bêtement humain, ce qui explique certainement qu’à un moment celui-ci ait décidé de me plonger dans le sommeil, ce qui n’a pas dû interrompre le dialogue, j’ai encore des souvenirs comme des rêves, mais plus brillants, qui flottent à l’intérieur de mon crâne.

J’ai émergé de la Forêt en pleine nuit, mon panier plein d’assiettes et de gobelets vides plus une bouteille d’eau et une de chouchenn à moitié pleines, avec un grand sourire aux lèvres, des étoiles dans les yeux, et une certitude dans le coeur : tout va bien aller, je vais dans la bonne direction.

En approchant de l’Auberge, la lune, tout juste descendante illuminait quelques nuages et je me suis arrêtée pour la contempler et la saluer. Un mouvement vif, un éclair roux, puis 2, puis 3 puis …. Oooooh, je ne savais pas qu’il y avait des renards aussi près de l’Auberge !! Une silhouette sombre, immobile, attentive, qui celà peut-il bien être ? Le hall est éteint, ça doit être le gardien de nuit … Lucien, je crois … Je m’approche en silence, lui souhaite le bonsoir à mi-voix, m’assieds et lui propose d’un geste de m’aider à finir cette bouteille de chouchenn, il aquiesce des yeux et je sors 2 gobelets (taille moyenne) que je remplis avant de poser la bouteille entre nous. Nous l’avons finie dans le silence de la nuit, uniquement troublé par les jeux des renards et les cris nocturnes des oiseaux.

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