“… Il se pourrait bien ceci dit que je passe une super soirée !
- En conduisant ? Tu es sûr ? Et puis je vais dormir, tu ne pourras pas me faire la conversation en roulant.
- Mais oui ! Un bon podcast, le calme, pas un chat en arrivant à Paris… le paradis, quoi !”
C’est comme ça qu’on s’est retrouvés à quitter l’auberge bien plus tard que je ne le pensais, après le dîner.
Les filles, il s’est passé tellement de choses depuis mon dernier post ! J’essaie de tout remettre en ordre avant mon rendez-vous de demain mais je ne suis pas encore au point.
Plus j’y repense plus je me dis qu’il y a quelque chose d’étrange dans cette auberge. Pas forcément dans le mauvais sens, ou pas pour tout le monde. Il y a un bon tas de couples qui se sont formés, après tout. De ce que j’ai entendu certains sont repartis bien plus heureux qu’à leur arrivée et puis il y a des gens qui reviennent. Dans la même saison. C’est pas courant, si ?
Mais tout à l’air tellement plus intense ! Tout prend des proportions tellement insensées !
Prenez la serveuse marseillaise, par exemple. Elle ne s’est pas “juste” faite larguer salement. C’est devenu un post viral. Puis une affaire judiciaire (d’ailleurs : oui Charlotte, tu avais raison, c’est bien le même gugusse). Et son humeur… Dimanche elle avait l’air le moral dans les genoux, hier elle rayonnait alors qu’elle bossait un jour de congé.
Ou l’ancien connard de service. Il s’est calmé d’un coup. On dirait que quelqu’un a trouvé le bouton off du bonhomme et vous savez quoi ? C’est pas plus agréable que quand il se mettait tout le monde à dos. J’ai eu du mal à comprendre ce qui créait ce malaise jusqu’à ce que je revois mes derniers dessins de lui. Je lui a donné le même air éteint qui m’avait tant marqué chez l’homme de compagnie du faux Comte, le jour de son départ. Je suis sûre qu’il y a un mystère là-dessous, mais lequel ?
Ou la veuve qui est partie en courant. Ou le compatriote dont on m’a enfin raconté l’histoire mais je ne peux pas l’écrire tellement c’est incroyable.
Ou, tenez. Pas plus tard qu’hier après-midi il s’est passé DEUX trucs invraisemblables.
Un : le réalisateur dont je vous ai parlé, celui qui sort avec une jeune actrice, a improvisé un cours de cinéma pour la fille de l’aubergiste et un pré-ado qui vient d’arriver. En pleine véranda, tranquille. Vous trouvez que c’est ordinaire comme situation ? En plus les deux mômes étaient tellement différents dans leur façon de suivre leurs explications, on aurait dit un sketch. La fillette artsy et le wannabe Youtubeur. Le pauvre “prof” était un peu paumé avec le gamin, heureusement que la petite faisait la traduction en temps réel. A un moment il leur a même refait la scène du Cercle des Poètes Disparus, debout sur les tables et tout !
Deux : en réglant le séjour Jérôme a appris qu’une cliente avait laissé un paquet pour moi. Je ne pense pas vous avoir parlé de celle-là, on s’est assez peu croisées. Et bien c’est une écrivaine, figurez-vous. Qui m’a laissé un de ses récits avec un mot comme quoi elle a vu mes dessins et aimerait que je l’illustre. ELLE ME PROPOSE UN BOULOT, LES FILLES !
C’est une bonne histoire. Et elle a utilisé un de mes portraits du chat pour me montrer quel genre d’illustration elle voudrait. Je vois totalement pourquoi, elle a écrit un conte qui dégage le même genre d’aura fantastique que lui. Mais ça veut dire que je l’ai bien rendue, cette aura ?
Je ne sais pas encore ce que je vais lui répondre. J’ai très envie de dire oui. Cette nuit, dans la voiture, j’ai rêvé de mon enfance. Je me suis souvenue que je dessinais tout le temps à l’époque. Que je n’ai jamais vraiment arrêté de le faire, seulement de le prendre au sérieux. Ou même d’avoir l’impression de dessiner quand je griffonnais dans les brouillons de mes comptes-rendus.
Plus je réfléchis plus je me rends compte qu’il y a une partie de moi que j’ai laissé en arrière en devenant adulte. Parce qu’elle ne convenait pas à l’idée que je me faisais de ce qu’est une adulte. Et pas que moi, d’ailleurs. Je vous avais dit que Rémi m’a reproché d’être insipide, quand il m’a larguée ? Alors qu’il se foutait de moi dès que je tentais un truc un peu fun, dès le lycée ? Alors qu’il ridiculisait tout ce que je faisais sans lui ?
J’ai envoyé un message à maman en arrivant, pour lui dire qu’on était bien arrivés. Et aussi pour lui demander si je pourrais l’accompagner la prochaine fois qu’elle ira chez pépé Joseph. J’ai pas été sur l’Île depuis quinze ans, je crois que ça me fera du bien de renouer avec cette partie de mes racines. En plus je n’ai jamais vu la tombe de mémé Henriette, il paraît qu’on y a planté des hibiscus. J’aimerais les dessiner.
Vous savez quoi ? J’ai beaucoup réfléchi ces derniers jours et je n’ai pas l’intention d’arrêter. A force, je finirai par me retrouver.
1 Commentaire de Akaiaki -
Il faut de la patience pour se trouver alors pour se retrouver il en faut bien plus.
Elle est vraiment magique cette auberge
2 Commentaire de Avril -
Une sortie en douceur. Au revoir mademoiselle.
Ton œil sur les clients de l’auberge et tes dessins me manqueront.
3 Commentaire de SacripAnne -
Bonne route, vers Paris et vers toi.
4 Commentaire de Jeanne Lalochère -
Vivement la parution des contes de Nokomis illustrés par Margaux. On aura une remise ?
5 Commentaire de Noé -
J’espère bien, Jeanne, que le livre sera en vente à l’accueil de l’auberge ! Vivement ;-)