Que faire maintenant ?
J’ai bientôt 66 ans et donc, statistiquement parlant, j’ai encore 13,8 années d’espérance de vie. 165 mois et des poussières. 5037 jours… Enfin il y’a sans doute une décote de quelques années, englouties par mes kilos en trop…
Mais même si j’ai encore 10 ans à vivre…
10 ans à pleurer ? 10 ans à faire la gueule ? 10 ans à opposer un visage fermé et morne aux personnes qui vont avoir l’honneur me croiser ? C’est pas bon ni pour les pattes d’oie au coin de yeux, ni pour les sillons nasogéniens et encore moins pour le double menton…
J’ai cherché et trouvé dans mon iPod ‘‘LA” chanson incontournable, que Maman aurait été tellement heureuse de m’entendre chantonner pour elle…
Smile though your heart is aching
Smile even though it’s breaking
When there are clouds in the sky you’ll get by
If you smile through your fear and sorrow
Smile and maybe tomorrow
You’ll see the sun come shining through
For you …
Certains trouvent fascinant… ou choquant… ou décalé… ce besoin que j’ai de me réfugier dans la musique…
C’est pourtant simple à comprendre. La musique m’isole des autres. Mais elle m’isole aussi de moi-même. Écouter les mots des autres me dispense d’écouter ma petite voix intérieure…
“La musique. C’est un cadeau de la vie. Ça existe pour consoler. Pour récompenser. Ça aide à vivre.” [1]
Presque machinalement, j’ai attrapé le livre que Javot m’a offert le jour où Maman… Audiard par Audiard. Même si la façon de faire et les mots employés pour accompagner le cadeau auraient pu prêter à discussion, le livre est là.
Puisque vous comptez plus sur les mots de autres que sur votre propre esprit, lisez le Maître, celui dont les mots font mouche à tous les coups !
m’a-t-il balancé… Et il a ajouté Sans rancune
…
Ça venait juste après cet échange avorté avec June-Elisa qui m’avait simplement dit, dans l’ascenseur On efface tout et on recommence ?
et qui avait été happée par l’ouverture de la porte avant que j’ai pu lui répondre.
Oui bien sûr ! On efface tout et on recommence… Bonne idée !
Dans le livre d’Audiard je suis tombé sur cette citation : “Une mauvaise action trouve toujours sa récompense.”
Ce bouquin est peut-être la récompense que me vaut mon sale mon mauvais mon caractère.
Au delà du plaisir de lire des formules ciselées, ce geste m’oblige à réfléchir.
Maman aimait bien mon esprit vif et parfois vachard parce qu’elle n’en voyait que le côté superficiel.
Mais c’est épuisant de vouloir avoir toujours le dernier mot. C’est stimulant, c’est parfois jubilatoire mais c’est surtout épuisant.
Je repense (toute proportion gardée) à Cyrano… [2]
Élégant comme Céladon,
Agile comme Scaramouche,
Je vous préviens, cher Mirmidon,
Qu’à la fin de l’envoi, je touche!
Combien de fois ai-je virtuellement touché ?
J’ai parfois blessé l’amour propre de celui que j’avais dans ma ligne de mire, il m’est arrivé de le piétiner, de le laisser dans le caniveau… Je me suis souvent fait plaisir, mais… Mais pour quel bénéfice si ce n’est me construire la réputation d’un cuistre, d’un beau-parleur, d’un pédant… d’un gros con qui manie bien les mots…
Et alors ?
Et après ?
“Soyez en garde contre le goût que vous avez pour l’esprit. Trop d’esprit humilie ceux qui en ont peu.” [3]
Maman riait parfois en m’entendant répondre aux gens, mais elle n’oubliait jamais de me rappeler - à mi-voix - certaines limites : Il faut savoir te défendre mais n’oublie pas le mal que tu ressentais quand on se moquait de toi !
C’est peut-être ça le vrai héritage qu’elle va me laisser : m’obliger à réfléchir et à imaginer que je peux être aimable.
Le goût des bons mots m’a forgé une carapace… Une carapace qui me protège des autres, de leur méchanceté, de leurs moqueries… mais aussi de leur soutien, de leur aide, de leur amitié, de leur amour peut-être…
Lorsque j’ai rencontré Fabien, puis Marie, je crois bien que j’avais un peu bu… et que mes barrières étaient tombées, ou au moins fragilisées… Le mode Je-Contrôle-Tout était temporairement passé sur OFF à mesure que le taux d’alcoolémie grimpait dans mes veines et mon cerveau…
On en revient encore une fois à cette question qui m’a crucifié lorsque nous discutions dans la clairière, Hugo et moi…
Pourquoi vous ne voulez pas qu’on vous aime ?
Allez hop ! Prenez une copie, vous avez 4 heures !
Dans mes écouteurs, Nat King Cole chante encore…
Light up your face with gladness
Hide every trace of sadness
Although a tear maybe ever so near
That’s the time you must keep on trying
Smile - what’s the use of crying
You’ll find that life is still worth while
If you just smile
Oh that’s the time you must keep on trying
Pas faux… Souris ! A quoi ça sert de pleurer / Tu comprendras que la vie vaut encore la peine / Si tu te contente de sourire / Allez, c’est le moment de t’y mettre…
Tout à l’heure, je vais descendre manger.
Dire bonjour aux personnes présentes.
Leur sourire en les regardant dans les yeux.
Oui c’est ça, alors que j’ai tellement envie de pleurer, je vais leur sourire…
1 Commentaire de Avril -
Les bonnes résolutions sont prises. Maintenant, Côme va devoir passer à l’action et être aimable !
Ça peut être intéressant à voir, moi j’dis… Pareil pour la réaction des autres…
2 Commentaire de LostSun -
Cette carapace, cette résolution à ne pas vouloir être aimé, par peur du regard des autres. Ca passe peut être par apprendre à s’aimer soi-même… Facile… Tellement facile…
Ces mots mon touché.
Et puis le rapport à l’âge… No comment !
3 Commentaire de Akaiaki -
Dès que j’ai vu le titre, c’est la voix de Grégory Porter qui m’a envahi.
Ces réflexions de Côme me touchent beaucoup. Cette carapace de mots, de froideur, de kilos, afin de se protéger, est notre pire ennemie, la montagne à dynamiter.
Être aimable c’est donner la possibilité à autrui de nous aimer, certes. C’est avant tout s’aimer soi.
Alors oui, Côme, pourquoi ?
4 Commentaire de Natou auteur -
Encore un joli billet
C’est ce que fait Natou, sans conscience, mais c’est sa force tout de même ;-)
5 Commentaire de Pep -
C’est ce bon vieux
.Ça fonctionne pas mal, faut reconnaître. Mais pas à 100%, ça reste de l’illusion, pas du miracle.
Attendons de voir ce que ça donnera pour toi, Côme. :-)
6 Commentaire de Kozlika -
Encore un beau billet, merci Côme <3
À part ça, je me demande si on peut changer radicalement un comportement acquis pendant si longtemps qu’il fait partie de soi ?
7 Commentaire de Tomek -
Et puis à un moment, il va falloir aussi faire sortir ce chagrin d’une autre manière, aussi, se confier, ne pas tout garder pour soi.
Voilà.
@Kozlika : à mon avis, c’est très dur, mais pas infaisable, avec une grande volonté (et sans doute de l’aide extérieure).
8 Commentaire de Come-de-la-caterie -
@tous : j’adore ce côté “j’ai rendez-vous chez le psy”…
à la fois dans la rédaction du billet… mais aussi à la lecture de vos commentaires :)
9 Commentaire de Malia (auteur) -
Maurice Pialat, palme d’or à Cannes : “Et si vous ne m’aimez pas, je peux dire que je ne vous aime pas non plus”. Pourquoi devenir aimable ? Pourquoi rentrer dans le moule ? Il faut toujours un mouton noir dans un groupe social. S’assumer tel quel, c’est noble.
10 Commentaire de Kozlika -
Malia > il me semble que ce texte ne fait que parler des raisons qui l’y poussent pourtant.
11 Commentaire de Ginou -
Merci Côme pour ce billet sincère et beau !
L’illustration de Sempé est superbe et si vraie !
12 Commentaire de Pétronille (l'autre) -
Fouchtra, c’est beau et juste tout ça. Je l’aime ce Côme quand il essaye, ou du moins veut bien essayer. Aller, un sourire, pour la peine. :)
13 Commentaire de Malia (auteur) -
Kozlika : Vrai. On va bien voir comment Côme revient au monde. L’auteur de Malia se retrouve dans l’intériorité du personnage.
14 Commentaire de Franck -
Ça me fait penser à ceci :
Le reste on s’en tape, non ?
15 Commentaire de notafish -
@ Kozlika je pense qu’à partir du moment où ce sont des comportements et pas une identité profonde, on peu les changer, oui. Cela prend du temps, beaucoup de volonté et de motivation et on peut se casser la gueule 200 fois avant d’y arriver, mais on peut changer de comportement. On réinvente les chemins et les réactions, et le cerveau apprend à agir sur nos comportements. Ça devient plus difficile si on *est* son propre comportement. Depuis le début, il était clair que Côme avait un bon fond, je trouve et que c’était vraiment sa façade qui hérissait tous les poils. Moi j’ai confiance en lui. Bon courage, Côme !
16 Commentaire de Come-de-la-caterie -
@Ginou cette illsutration a été une sorte de déclencheur pour le thème et la construction de ce billet…
@tous : bon maintenant que je vous ai tous attendris… la question se pose de savoir si je tiens mes résolutions ou si je me laisse aller à mes démons.
Au pays de Candy, j’avoue que…
17 Commentaire de SacripAnne -
J’adore Michel Tremblay et je ne connaissais pas ce titre, merci.
18 Commentaire de Arsène P. Brisette -
Les apparences, autrui, soi-même… La politesse et la sincérité envers soi-même… En sortirons nous un jour ?
19 Commentaire de Arsène P. Brisette -
Ohhh et une fulgurance.
SMILE et SIMILE.
20 Commentaire de Kozlika -
Ah oui Arsène, bien vu le smile/similé !
21 Commentaire de Mela -
Superbe texte !