Pollox, 28 août 2020 11:36
Cher Général,
Je rentre ce jour d’une entrevue avec Maître Robert en personne.
Je crains que cet homme d’un âge respectable ne soit plus en mesure de remplir sa fonction.
Le dossier de l’affaire au nom de Madame Amélie Christine Delatour née Lecourbe qu’il m’a présenté, comporte des erreurs grossières.
J’ai demandé sur le champ que le testament soit confié à notre notaire de Lyon Maître Bourgeois, on m’a signifié que c’était impossible pour respecter les volontés et le testament authentique établi avec feu Madame Delatour.
Une seconde entrevue est fixée lundi à 17:45.
J’y serai.
Soyez assuré Général de ma vigilance quant au bon déroulement de l’affaire qui nous occupe.
Affectueusement vôtre,
Pétronille.
C’est insensé !
Ces gens n’ont aucune rigueur.
Je ne souhaite pas inquiéter le général plus que de raison mais, m’entendre dire par ce petit homme, au demeurant fort civil, que le dossier prenait du retard car il était à la recherche de… mon FRÈRE, c’est pure folie. Qu’est-ce-que cet égarement ?
De frère je n’ai point ! J’ai une sœur, cadette, Marie-Cécile née Delatour, épouse du Comte de Traversière.
Et c’est bien suffisant, croyez-moi, cher carnet.
Futile et frivole Marie-Cécile, qui n’eut jamais d’autres penchants que les poupées de son enfance, suivies de près par les dentelles, puis les bijoux, les prétendants, les rallyes dansants, le comte et le mariage pour finir ; ostentatoire et mièvre à souhait. Comtesse de Traversière, cinq enfants coup sur coup comme vêlent les vaches, Édouard, Théodore, Lucille (je n’ai mémoire des deux autres), un labrador obèse soufflant comme une truie et réclamant sans cesse une récompense, un perroquet dépressif aux couleurs autrefois vives s’agitant dans une cage pour accueillir les convives d’un tonitruant « mes hommmmmaaaaages » tournant sur lui-même, pauvre bête, et suscitant sans jamais faillir, l’hilarité générale.
Non de frère je n’ai point, malheureusement.
Maître Robert et sa voix faible, ses yeux couleur de réglisse, enfoncés loin derrière ces petits lorgnons, n’a rien d’un mauvais bougre, mais la gestion de la partie de succession qui lui incombe laisse pour le moins à désirer.
Le grand âge, peut-être…
J’irai lundi pour la lecture du testament. Qu’on en finisse.
Cette Auberge est bien accueillante, mais je ne m’y sens pas à mon aise.
Tout ceci n’a que trop duré, je veux rentrer pour prendre soin du général tant affecté par le décès de mère.
J’ai pu extraire hier, d’un désordre fantastique au fond de la boutique d’article de cadeaux, une boite contenant 5 soldats, 2 cavaliers et 10 petits hussards.
Le général sera content.
À la boutique de vins et spiritueux 3 bouteilles de Macvin, un apéritif du cru dont on me dit le plus grand bien, et six fioles de vin de paille que père affectionne tant lors de notre apéritif hebdomadaire.
J’ai hâte, j’ai si hâte de retrouver notre chère presqu’île.
1 Commentaire de Nuits de Chine -
Hmmm… ça sent les enfants hors mariage, ça.
2 Commentaire de Kozlika -
Oh ! Diable… vivement la suite.
3 Commentaire de Avril -
Le regard de Pétronille sur Marie-Cécile est un délice de causticité ;´D
(À la lecture du titre, je ne sais pas pourquoi, j’ai pensé aux Dix Petits Nègres. Ça a perturbé un peu ma lecture, j’attendais un décompte morbide… Foutu cerveau que le mien.)
4 Commentaire de Irène-Aimée -
Oups. Si jamais, Irène-Aimée en connaît un rayon en gestion des secrets de famille bourgeois, nobles et assimilés. Courage, chère Pétronille que je ne connais pas encore mais dont j’aime lire les billets.
5 Commentaire de Éric Javot (L'auteur) -
J’ai un ami qui c’est découvert un demi frére à 50 ans, lors de la succession justement… ce sont des choses qui arrive ;-)
6 Commentaire de Arsène P. Brisette -
10 petits hussards ? Ce ne serait pas plutôt 10 petits soldats coloniaux à la peau sombre ? Comme Avril, j’y vois un clin d’œil à l’actualité…
7 Commentaire de Pétronille (l'auteur) -
@Avril et @Arsène il y a bien un clin d’œil a cette actualité qui fait se déchirer les plumes sur toutes les places littéraires. Je suis taquine.
Et pour la “causticité”, c’était un peu le but, elle est gentille Pétronille mais il y a des limites. ;D
8 Commentaire de Samantdi -
Délicieux billet de Pétronille !