Mercredi 26 août… Réveil. J’ai trainé au lit en écoutant les informations… une envie de “Déjeuner en paix” [1] en tête…
Douche. Rasage. Petit-déjeuner. (Mmmmmm ces viennoiseries…)
Faudra que je pense à souhaiter sa fête à Natacha… Lui souhaiter, pas lui faire sa fête, ça j’ai déjà testé…[2]
Je suis en mode “je vais en ville”… Arrêt au Café des Sapins, puis direction la poste pour téléphoner à Maman…
Avant de partir je me suis assuré qu’aucun message n’avait été laissé pour moi. Ni pour “Rémi” ai-je également demandé ? C’est mon 2ème prénom et parfois… Mais non. Aucun message…
J’ai pris le temps d’un café en lisant le journal. J’ai regardé distraitement mon horoscope…
Famille et amis : Ce lundi, Jupiter sera en opposition à Vénus dans votre signe, amis Balance. Vous y songez certainement depuis un moment déjà, mais c’est aujourd’hui que vous en parlerez à vos proches ! L’envie de réunir la famille vous démange. Mais, là encore, cette opposition ne vous aidera pas à aller au bout de vos idées.
Bien sûr je ne crois pas aux horoscopes. Rien que des foutaises. Mais ça m’amuse… J’aimerais bien organiser une réunion avec mes frères et sœurs. Et leurs enfants. Et Maman. Une réunion de famille pour Maman.
Je suis allé au guichet, la postière semble me reconnaitre puisqu’elle m’indique tout de suite que le téléphone est à ma disposition.
J’ai composé le numéro une fois, deux fois… J’ai attendu quelques minutes et recommencé. Ça sonne une fois encore dans le vide.
Comme lundi…
Intérieurement, je suis à deux doigts du mode panique…
En sortant de la poste je croise deux gendarmes. Machinalement je ralentis et fais semblant de regarder ailleurs, j’observe la devanture de la boulangerie.
Mon dieu, ces tartes aux fruits…
Je marche lentement pour rentrer à l’auberge. L’absence de réponse de Maman, ce téléphone qui a sonné dans le vide me plongent dans la perplexité.
J’ai perdu la sérénité que je ressentais ce matin au réveil.
Je redescendrai en ville cet après-midi et je rappellerai.
J’apprécie cependant la douceur de l’air et une lumière qui n’agresse pas mes yeux alors que j’ai oublié mes lunettes de soleil.
Dans mon iPod, Marie Paule Belle chante “Ces lettres auxquelles on ne répond pas”…[3]
Je ne puis pas croire que tu ne m’aies pas répondu
J’ai dû me tromper d’adresse
Ma lettre trop lourde a dû être mise au rebut
Et tu t’inquiètes peut-être…
De retour à l’auberge, j’avise Charlie - ou bien était-ce Leo ? - donc j’avise Charleo
à la réception et lui demande si je peux lui emprunter la tablette quelques minutes.
Je m’installe au salon. Je n’avais pas regardé mes mails, après avoir constaté que quelqu’un d’autre que moi s’était connecté à ma messagerie.
Au milieu de tous spams, les mails de mon frère et de ma sœur Sophie m’attirent… Mais surtout ce mot… “ENTERREMENT”.
Non ! C’est pas…
Mes yeux. Le flou. Les larmes. La déchirure. La brûlure…
Il y a même un mail de Marie qui demande où je suis, qui dit qu’on a besoin de moi… Elle me supplie de répondre.… De reprendre contact avec elle…
Maman est partie le 16 août. L’enterrement a eu lieu vendredi 21.
Je n’étais pas là. JE.N’ETAIS.PAS.LA !
J’ai le sentiment d’avoir abandonné Maman. Non… Ce n’est pas un sentiment : j’ai abandonné Maman.
Cruauté de la vie, moi qui étais toujours là, alors que mon frère, mes sœurs restaient loin. Je n’étais pas là pour accompagner Maman. Pour son départ. Son envol. Son voyage pour le néant ou pour l’infini…
Dans ma tête, solitude et l’abandon accompagneront pour toujours le départ de Maman. Comment pourrais-je un jour me le pardonner ?
Dans leurs mails, frère et sœur me pourrissent et m’insultent. Égoïsme
, disent-ils.
Tout s’effondre. Allez vous faire foutre.
Maman n’est plus. J’étais loin. Physiquement. Parce que j’ai choisi de me “cacher”, de m’isoler temporairement.
A cause de Marie.
Alibi à la con. Alibi qui ne peut pas excuser mon absence abandon.
Aurai-je maintenant le droit de dire que Maman me manque alors que mon absence repose sur un mensonge ? Alors que je l’ai abandonnée…
Dans mon iPod, Balavoine chante…
Par pitié, qu’on ne me cite pas Lamartine : Objets inanimés, avez-vous donc une âme / Qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ?
[4]
L’algorithme de mon iPod n’a pas choisi Balavoine par hasard, il me crucifie volontairement, il veut me faire mal… il ne peut en être autrement…
Et j’ai souvent souhaité
Partir avant les miens
Pour ne pas hériter
De leur flamme qui s’éteint
Et m’en aller
En gardant le sentiment
Qu’ils vivront éternellement
Et simplement
Qu’ils fassent que la nuit soit claire
Comme aux feux de la Saint-Jean
Que leurs yeux soient grands ouverts
Pour fêter mon enterrement [5]
Je sanglote silencieusement.
Combien de minutes s’écoulent alors que mes larmes coulent… Je ne sais pas…
Quand je rapporte la tablette à Charleo
, elle voit mes yeux et…
Quelque chose ne va pas Monsieur Caterie … Non-non ce n’est pas une question… Si vous avez besoin, je suis là… NOUS sommes là !
Je marmonne sourdement et maladroitement un Ça ira, merci…
Dans ma chambre, je continue à pleurer…
Pourquoi ?
Que faire et comment faire maintenant…
Goldman chante dans ma tête…
Tu manques, si tu savais
Infiniment, tout doucement
Plus que je ne me manque jamais
Quand je me perds de temps en temps [6]
Je n’imaginais pas que le sentiment de vide, de néant, arrivait si vite. Si profondément. Si intensément.
Je t’aime Maman. Tu me manques terriblement. C’en est effrayant.
C’est glaçant.
Comme le néant. Comme l’infini.
Dans mon iPod les chansons ont laissé la place à la musique.
Et je pleure encore.
Je pleure longtemps.
Le jour se lève.
Sauf pour moi.
Sauf dans mon cœur…
1 Commentaire de Kozlika -
Oh Côme… Ne pas être là au départ d’un proche, c’est rude.
J’espère que tu trouveras quelqu’un auquel tu puisses parler sinon je crains que la douleur ne te rende encore plus méchant :(
2 Commentaire de AkaïAki -
Touché coulé à ma réalité
3 Commentaire de Samantdi -
Ce billet est très émouvant. Ce qui arrive à Côme me fait penser à Victor Hugo qui, parti incognito pour quelques jours avec sa maîtresse Juliette Drouet, s’est arrêté dans une auberge et a distraitement consulté un journal posé sur une table. C’est ainsi qu’il a appris la noyade accidentelle de sa fille aînée et de son gendre.
La brutalité de ce moment et sa défection à un moment où sa famille aurait eu besoin de lui l’ont hanté le reste de sa vie.
4 Commentaire de Avril -
Ça ne consolera certainement pas Côme…
Je crois que ce ne sont pas les morts qu’on accompagne. Mais les vivants. Celleux qui restent.
Hugs ! :-*
5 Commentaire de Sacrip'Anne -
Un hug pour toi, Côme.
6 Commentaire de Natou auteur -
Douleur. Émotion. Bravo à l’auteur d’oser aborder ce thème là aussi, cette douleur là aussi.
Peu chère ! Y s’en vit de ces trucs dans c’auberge ! 😉
Et merci à Mossieur d’avoir pensé à la fête de Natacha même si elle ne le saura pas😉
7 Commentaire de La commanditaire de Caroline Etienne -
Oh Côme, j’en ai les larmes aux yeux. Il faut être fort pour inspirer de la compassion pour un personnage a priori antipathique. Hugs
8 Commentaire de Malia (auteur) -
Une belle personne, ce Côme. Et prêt pour aller à “N’oubliez pas les paroles” 🕊️
9 Commentaire de Come-de-la-caterie -
@Kozlika : la douleur peut aussi faire prendre conscience que la “méchanceté” est vaine. Who knows ?
@AkaïAki : :-*
@Samantdi : j’y ai pensé effectivement… Je ne croyais pas que quelqu’un d’autre trouverait cet écho !
@ Avril @Sacrip’Anne : ça touche Côme-auteur !
@Natou : j’ai hésité avant de m’aventurer sur ce sujet. Et puis… Ça peut donner une densité autre au personnage…
@Caroline : Mission réussie alors ! Merci
@Malia : pas sûr d’avoir la “culture” musicale suffisante, mais c’est vrai qu’il y a un côté juke-box chez Côme ;-)
10 Commentaire de notafish -
Côme de toutes façons avec “Partir avant les miens,” ce sont les larmes assurées. Tiens bon, y’a toute une auberge prête à te recueillir dans ses bras de Shiva aux mille couleurs.
11 Commentaire de Malia (auteur) -
Réplique d’Ardant chez Truffaut : ” J’écoute uniquement les chansons parce qu’elles disent la vérité… Plus elles sont bêtes, plus elles sont vraies”.
12 Commentaire de Noé -
Ouch ! Pauvre Côme. On ne lui a pas toujours voulu du bien, mais ça c’est vraiment dur. Hugs, gars !