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Joseph Midaloff

Chambre 6

Re : Prolongation de mission / Ouf !

Bonjour,

Je profite de la pause pour vous répondre vite. J’aurais bien aimé pouvoir vous dire oui pour la prolongation de mission mais malheureusement je ne peux pas me rendre disponible. En effet nous fêtons ma femme et moi nos trente-cinq ans de mariage et nos enfants nous ont offert un tour du monde en août. Je me suis un peu renseigné pour déplacer les dates mais c’est très compliqué à cause de toutes les étapes et puis ça nous obligerait à repousser d’un an car ma femme travaille encore et comme elle est enseignante on ne peut pas partir quand on veut.

J’espère que vous trouverez un formateur pour prendre la suite. J’ai réfléchi à vous donner un nom, comme vous me l’avez demandé au cas où je ne serais pas disponible, mais je ne vois vraiment pas. Je n’ai plus beaucoup de contacts avec mes anciens collègues. Je suis désolé car c’était un beau projet.

Puisque ma mission s’achève dans une semaine j’en profite pour faire un bilan, ça ne va pas beaucoup changer en une semaine.

La formation s’est bien passée, avec des stagiaires de bonne volonté et sérieux dans leurs apprentissages. Par contre, leurs prérequis n’étaient pas du tout du niveau annoncé et en gros ces cinq semaines ont permis qu’ils parviennent au niveau où ils étaient censés être en arrivant. Ils connaissent maintenant toutes les étapes de la chaîne graphique, de la rédaction au façonnage, ont à peu près acquis le vocabulaire du métier, comprennent l’imposition, connaissent les consignes de sécurité, ont pu participer à trois processus complets de calage, tirage, façonnage avec la machine sur laquelle ils sont appelés à travailler. Il y aura une autre séquence complète la semaine prochaine pendant laquelle je compte aborder le sujet de la gâche papier.

Je finis cette mission avec la satisfaction d’avoir accompli le maximum possible avec rigueur et sérieux, fidèle au Virtutem, mente, coronat du métier.

À propos de la fin de mission, pour votre information, la direction de Bourg m’a indiqué qu’ils en payaient directement les frais mais il y a un problème de dates. Ils ne voulaient prendre en charge que la durée du stage et donc ni du 27 juin au 1er juillet ni le dernier week-end. Je pense que c’est réglé mais de toutes façons s’il reste des nuitées impayées la facture vous sera envoyée par l’établissement. Ce n’est pas moi qui ai décidé des dates de début et fin de mission que vous m’avez fait signer ni fait la réservation, je n’ai pas à payer ce qui à leurs yeux “dépasse” de leur contrat avec vous.

Bien cordialement,

Joseph Midaloff


Mon Didi,

Je suis tellement content que cette mission soit bientôt finie, j’aurais pas pu tenir plus longtemps avec leurs conneries.

Imagine qu’hier par exemple, après leur branlette quotidienne de ronde devant le tableau blanc, un type est venu leur causer dans la salle de formation. Tu sais c’est quoi son boulot ? « Happiness Manager ». Oh purée cette barre de rire quand j’y repense : le mec chargé de veiller à ce que les salariés soient heureux. D’ailleurs faut pas dire salariés mais « collaborateurs » (ils se rendent compte tu crois ?). J’ai fait mon con comme on sait faire dans la profession : j’ai dit que vu que vu que c’était des gendarmes ils sont censés obéir heureux ou pas et que si ça avait pas été des gendarmes, dans le métier on mesure ça plutôt en regardant la dernière ligne de la fiche de paie et les conditions de travail. Il paraît que je simplifie trop, ben un peu mon neveu, on est des gens simples nous, pas vrai mon Didi ?

Sinon tu l’as compris dans le mail où je t’ai mis en CC : ils ont essayé de me la jouer à l’envers avec les frais d’hôtel. Je ne sais pas s’ils comptent jouer au ping-pong longtemps mais ça sera sans moi. Ils m’avaient laissé un mot que j’ai trouvé quand je suis arrivé ce matin pour que je signe un bon qui cause des frais du 1er au 31 juillet. T’as qu’à croire que y’a écrit La Poste sur mon front ! J’ai pas signé leur papier, je suis monté les voir tout à l’heure. Et même je me suis pas changé, je suis monté en bleu, bien crade vu qu’on est vendredi, mais de la bonne crasse d’encre d’ouvrier du Livre.

À chaque fois que je vais dans les bureaux en bleu, ça me rappelle toujours Riton :

Jamais jamais aller aux négos en costard, surtout si ça s’annonce tendu. Tu te mets en costard tu leur dis que tu vas jouer selon leurs règles qui sont meilleures que les tiennes. Ils sont nés avec ça sur le cul, toi t’es né avec ta gniaque et ta salopette de prolo.

En vrai j’étais pas venu en costard depuis l’auberge mais l’idée était là. Je te passe notre conversation amicale mais au final ils ont bien compris que c’était à régler entre eux cette petite histoire d’intendance. Le dirlo m’a quand même sorti, tout bouffi du culot des tôliers : « Avec ce qu’on vous paie vous n’êtes pas à quelques nuits d’hôtel près, si ? » Rat, c’est un métier.

T’as vu comment j’ai bien géré le coup de la prolongation de contrat ? Tu parles que je vais leur filer le 06 d’un autre pauvre camarade à embarquer dans cette galère ! Et j’espère que je t’ai fait marrer avec l’histoire de l’anniversaire de mariage et du voyage autour du monde et que tu vas te marrer encore plus là : on a décidé avec Julie de fêter ça à l’auberge ! Sans déconner, on est super bien ici et le week-end du 14 juillet lui a donné envie de revenir. J’ai pris une résa à partir du 15 août et on revient tous les deux ! Faudra peut-être pas qu’on aille se balader trop souvent à Bourg par contre (ha ha), quoique en fait je m’en battrai les reins une fois mon contrat fini et le virement fait.

C’est un de mes derniers mails mon Didi, j’espère que je vais te manquer mais pleure pas trop, tu sais bien que les histoires d’amour finissent toujours mal.

Je t’aime mon gros, bon courage pour la suite et des bises à ta femme !

Jojoff

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