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Artus Constant

Chambre 9

Sombre crête, hein ?

Sans titre – à peu près Artus Constant
Sombre crête, hein ?

Ça va être compliqué, de repartir. On était quand même pas mal, là. On pouvait oublier, finalement, pourquoi on était venu…

Trois semaines plus tard, j’ai des esquisses plein mes châssis, plein ma tête et le cœur tout en brouillé.


Douze ans. J’ai douze ans et l’oncle André, avec une mine de conspirateur, me donne cette boîte de couleurs, modèle professionnel qu’il a ramené de la ville, en me disant : « Petit, je t’ai vu avec un crayon, et je pense qu’il faut pas laisser perdre ».

J’ai douze ans de plus quand je marie la Sylvie, si brillante, qui n’avait pas encore libéré le grand fauve assoiffé d’euros qui l’a envahie depuis.

Ça fera bientôt douze ans, et je viens de rencontrer la première femme qui me fait penser que l’humanité n’est peut-être pas perdue. Juste en me regardant. Je compte pas Mathilde, qui m’a donné envie d’y croire, mais pour qui c’est à moi de le rendre possible. La Calliste, elle me regarde, et je crois que c’est possible, qu’on va y arriver, que la vie c’est de la bonne, qu’il n’y a pas que la montagne qui est belle, nom de dieu.

Douze ans, ça doit être mon cycle. Celui qui commence, je sais pas où il va, mais je suis pas mécontent d’y être.


Le Martin vient de m’appeler. Il m’a trouvé une expo. Deux ans que je me demande s’il est encore mon galeriste, mais là, il n’y a pas de doute. Une expo à Paris. Sur la « ruralité contemporaine ». Je sais pas comment il m’a vendu : je peins des paysages. Le moins humanisés possibles – mais cela existe-t-il encore, chez nous ? La ruralité, ils vont être contents, les commissaires ! Mais je lui fait confiance, à Martin. C’est un marchand de tapis, mais c’est moi qui fais les tapis. Il va quand même falloir que je vérifie ce qu’il a précisément vendu. Manquerait plus que ça me donne du boulot !

Mais c’est l’heure d’aller retrouver ma Calliste. La joie n’attend pas.


Image d’après une photo de Philipp Schlabs chez Unsplash

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